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Se mettre en danger dans le zen ?

Dans tous les sports au bout de quelques années de pratique on est obligé de se mettre en danger pour progresser, soit combattre un plus fort que soi, soit effectuer une figure périlleuse jamais tentée, se lancer dans la compétition, etc.. C’est normal ça fait partie du jeu. Dans les arts (théâtre, musique, cinéma) se mettre en danger c’est montrer sa création et la livrer à la critique du public. Quand on a un certain niveau, en musique par exemple, on doit passer par le regard des autres (en jouant en public, ou en prenant des cours avec un maître de musique). Si on s’aperçoit qu’on n’est pas au point en public, ça fait mal à l’amour-propre. La mise en danger concerne l’Ego, elle vient se frotter à l’autosatisfaction. On peut être découragé par les coups qu’on a pris mais on ravale sa salive, et on pense je vais progresser, je dois persévérer.  Le milieu artistique est intéressant pour ça, parce qu’il travaille sur l’Ego. Le sport est intéressant parce qu’il fait rechercher ses limites et qu’il incite à les dépasser.

Récemment j’ai lu une histoire zen où l’on parlait d’un laïc qui avait presque atteint la maîtrise du zen. Heu…on peut atteindre la maîtrise du karaté, de l’aïkido, du Tai Chi, du Qi gong,  ou du yoga mais atteindre la maîtrise du zen ? Ça n’a pas de sens ! Dans le sōtō zen c’est absurde.

Pour autant on ne va pas rester camper sur son zafu(*) à ronronner une heure par jour, si on n’espérait pas quelque chose, un petit pas vers la sagesse, tout petit. En désaccord avec  Mushotoku(*) le zen Rinzaï va chercher le progrès par la pratique des kōans.  Seul les maîtres sont capables de comprendre et d’expliquer les kōans. Dans le sōtō zen on renonce à ce type de travail ou d’épreuve. On pratique zazen, shikantaza (*)

Alors ne faut-il pas se mettre aussi en danger dans notre sangha(*) du sōtō zen ? Il y a nécessairement une marge de  progrès entre un débutant et un vieux moine, ou non ? Dans le pire des cas la marge de progrès pourrait être celle du vieux moine qui tente de conserver son esprit de débutant (comme le disait si bien Shunryu Suzuki dans esprit zen esprit neuf) ! Certains  de nos maitres sont de grands érudits, ils trouvent un champ de progrès dans l’apprentissage des textes sacrés mais, le hic c’est que ce n’est plus l’esprit de la transmission de cette forme de bouddhisme qui est au delà des mots. (voir l’article qui relate La transmission directe du Bouddha Shakyamuni à Mahakasyapa ). Ainsi on découvre les textes plus tard comme la cerise sur le gâteau©. Il n’ y a pas d’enseignement doctrinal des textes dans notre lignée et c’est bien ainsi.

Pour autant, pour valider sa pratique le moine zen doit se mettre en danger.  Il peut pratiquer plus intensément zazen dans une sesshin(*) jusqu’à aller parfois au bout de ses forces (ou de ses nerfs), craquer au risque d’abandonner. A travers ce blog j’écris (sans validation préalable**) ce qui me passe par la tête et c’est ma façon de me mettre en danger. Cela me semble nécessaire pour aller de l’avant. On ne peut se contenter de l’enseignement consensuel qui est donné dans nos dojos. Notre zen doit se livrer à la vindicte populaire, se frotter au social, affronter le monde et échanger  ses idées, en toute humilité.

©daniel Bukō Hōten

(*) voir glossaire

(**) j’ai demandé cette validation. J’ai reçu une sorte de non-réponse qui vaut satisfecit… !