Depuis peu je pratique une nouvelle forme de concentration la nuit dans mon lit dans le noir total et le silence absolu. C’est tout aussi fort que zazen*, je vais vous l’expliquer, mais auparavant quelques précisions.
Opposer le noir à la lumière, associer le noir au mal, au mensonge, aux idées fausses c’est le paradigme manichéen enraciné au fonds de nous dans nos gènes. Il faut enlever cette racine et déterrer la souche. La lumière n’est pas synonyme de vérité, de parole juste, de vie, de chaleur et le noir synonyme de mort, de froid glacial, d’anti-matière, ou que sais-je encore,… du diable ?
Le Bardo Thödol* est conçu à l’origine comme des consignes de méditations à l’usage des adeptes au moment de la mort. Ce n’est pas un livre qui relaterait les différentes phases de l’après-mort qu’aurait décrites un lama revenu chez les vivants. Il est issu de la tradition orale. Il ne doit pas être pris comme un absolu immuable. Il est devenu un rituel mortuaire chez les bouddhistes tibétains.
Dans ce livre lors de cette longue nuit de notre mort on erre jusqu’à trouver une prochaine réincarnation. Cela peut durer 49 jours, il y a une lumière étincelante à reconnaitre et des lumières plus ternes vers lesquelles il ne faut pas aller. A noter que le terme lumière est cité 214 fois dans le livre, alors que lumière intérieure n’est cité que 3 fois. Ainsi par exemple le 6è jour une prière du livre conclut ainsi :
Par cette prière tu reconnaîtras ta propre lumière intérieure et en t’y plongeant, tu atteindras en un moment l’état de Bouddha.
Se plonger dans sa propre lumière intérieure ? le livre indique :
Si tu t’es souvenu du sens de ces confrontations, tu auras reconnu toutes ces lumières qui ont brillé sur toi comme étant le reflet de ta propre lumière intérieure. Et, les ayant reconnues comme tu reconnais des amis chers, tu auras cru en elles et tu auras compris leur rencontre comme un fils comprend celle de sa Mère.
Il s’agit du premier Bardo, celui de « l’instant de la mort» qui dure 7 jours. Si durant ce temps on n’a pas reconnu cette lumière alors le voyage se poursuit par le Bardo de la Réalité suprême (Chonyid 14 j). Puis le Bardo du devenir (Sidpa 28 j) conclut le voyage par la renaissance et une nouvelle vie dans un des mondes du samsara.
De la lecture de ce livre on peut conclure hâtivement qu’il faudra aller vers la lumière au moment de la mort or ce peut être une erreur. Pour ma part je pense qu’il faut faire comme on le sent et ne pas être attiré par un leurre. La lumière peut être un leurre. Pour ne plus avoir peur du noir il faut se préparer. Les moments de repos se prêtent bien à ce type d’exercice.
Ne plus avoir peur du noir mais y chercher plutôt du réconfort, du calme et du repos voilà ce que je vous propose.
C’est bien cela qu’on va voir à notre mort, le noir total, le noir absolu. Pourquoi avoir peur du noir ? Il faut s’y préparer au contraire. Maîtriser son esprit comme pendant zazen.
La nuit dans votre lit, dans le noir total. Pas de bruits. Vous ne dormez plus ? Profitons-en ! Ouvrez les yeux, puis fermez les. Rien ne change ? Vous êtes bien dans le noir total. Sinon allez fermer quelques volets, portes, il faut le noir total pour cette méditation, c’est important. Restez les yeux ouverts comme pendant la journée. Il suffit de cligner des yeux de temps en temps pour ne pas qu’ils se dessèchent ou encore mieux, de mettre une goutte de Liposic* dans chaque œil et vous pourrez garder les yeux grands ouverts dans le noir total.
Vous avez les yeux ouverts : Observez ce que vous voyez.
On ne voit pas que du noir mais un fonds diffus de lumières, un peu comme l’image du fonds cosmique (cf. l’article quand le grand rejoint le petit), qui bouge et change de place. Regardez attentivement ce fonds, recherchez le noir absolu… Votre corps est détendu allongé sur le dos, les bras de part et d’autres du corps, ou repliés les mains jointes sur le torse, ou bien changer de position sur le côté dans la position du parinivarna (une main enserre le cou et les jambes légèrement repliées). Vous allez découvrir tout un univers, mais il faut être patient et ne rien attendre comme pendant zazen. Le pire qu’il puisse vous arriver c’est de vous endormir, ce n’est donc pas si grave ! On voit le noir se former, de plus en plus sombre mais on n’arrive pas au noir total. Lorsque le noir apparait plus précisément on ressent un soulagement, un bien-être. Plongez dedans. Des images surviennent, des paroles, etc. Est-ce la mémoire inconsciente ou une forme d’imagination ? Je penche plutôt pour l’ imagination spontanée. J’ai entendu des mots prononcés… Faîtes votre expérience au dela des concepts. C’est très reposant et on y trouve une réelle fraicheur. Et on finit par s’endormir tranquillement…
©daniel Bukō
PS : L’expérimentation peut aussi être faite les yeux fermés. En gardant les yeux ouverts on améliore la concentration.
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